Les plateformes e-commerce opérant d’Asie, un phénomène d’ampleur d’ultra consommation

Les plateformes e-commerce opérant d’Asie, un phénomène d’ampleur d’ultra consommation

Les plateformes e-commerce opérant d’Asie, un phénomène d’ampleur d’ultra consommation

Les géants du e-commerce tels que Shein, Temu, Wish envahissent notre quotidien, défient nos commerces et mettent en péril notre souveraineté économique. Nous assistons à un phénomène d’ampleur d’ultra consommation alimenté par notre conduite paradoxale.

Ce n’est pas l’attrait d’un commerce à la vitrine alléchante car il est virtuel et très éloigné de chez nous ;
Ce n’est pas par conscience écologique car la qualité du produit est médiocre et il traverse la planète en un temps record ;
Ce n’est pas par conscience sociale car la plupart des européens n’accepteraient ni la cadence imposée aux salariés de ces entreprises ni le faible salaire pratiqué ;
Ce n’est pas seulement un problème de pouvoir d’achat en période d’inflation car le consommateur préfère renier sur la qualité plutôt que sur la quantité. Sondés par l’Ademe, les Français ne s’admettent pas comme des sur-consommateurs : ils achètent d’occasion pour des raisons économiques (76%) mais aussi pour pouvoir consommer plus (51 %) ! 

Aurions-nous donc perdu la raison ? Pourquoi nous laissons-nous manipuler sur nos écrans par des algorithmes qui profitent de notre distraction pour redéfinir les codes de l’achat impulsif ? Défini comme le fait d’acheter un produit de façon spontanée, irréfléchie, la décision d'achat se prend au moment même de la confrontation avec l'offre. Armées d’influenceurs exposant une variété infinie d’articles et des livraisons gratuites, ces plateformes en ligne scénarisent le produit, mettent en avant les meilleures ventes, créent l’urgence et donc le besoin au travers d’offres promotionnelles infinies. Et de façon répétitive à l’aide d’un marketing digital redoutable notamment dans des jeux vidéo où des messages clignotants incitent à profiter de bons d’achat ou à tourner la « roue de la fortune » pour bénéficier immédiatement de rabais ! Imparable ! 
Difficile ainsi de rationnaliser le comportement des acheteurs ! Difficile aussi pour le commerce physique de se moderniser à moindre coût pour être omnicanal et répondre au consommateur insatiable. 

Le secteur du textile est touché au cœur, d’autres sont aussi la cible de ces plateformes hors UE. Le risque de voir disparaître les commerces physiques est bien réel. Nous n’envisageons pas un futur avec des grandes villes où ne résistera que le commerce de luxe et des petites villes où il n’y aura plus de commerces du tout. L’équilibre socio-économique du territoire est in fine en danger : disparition des entreprises et de leur millier d’emplois, diminution des recettes fiscales, distension du lien social dans la cité. Si le commerce meurt, c’est la structuration de la ville qui meurt aussi car il est un lieu central fédérateur, il contribue à la qualité de vie des habitants et aux revenus de la ville. Les commerçants ne peuvent être sur tous les fronts et se battre à armes égales avec des géants sans une prise de conscience collective et une réponse adaptée des pouvoirs publics à l’échelle européenne. 

Responsabilisons le client en le sensibilisant face au danger d’acheter des produits au rabais, non durables, contrefaits. 

Assurons la sécurité des consommateurs en faisant respecter les contraintes sociales et environnementales par le contrôle strict de la réglementation et des normes UE, qu’ils soient commerces physiques ou e-commerce, dès lors qu’ils opèrent sur le territoire national.

Garantissons des règles d’équité concurrentielle entre les acteurs afin que les mêmes exigences s’appliquent à tous en termes d’information des acheteurs, de sécurité des produits, de traitement des données personnelles ou de propriété intellectuelle.

La prochaine Commission européenne devra proposer de nouvelles règlementations pour contrôler ces plateformes afin qu’elles ne contournent plus les règles. Détournons un instant nos yeux des écrans pour retrouver une consommation responsable et durable et pour pérenniser l’avenir de nos commerces. 

Yves Audo
Président du Conseil du Commerce de France

Lire la Tribune parue dans Les Echos du 12 avril 2024

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